feu
fire
2017
video sonore
boucle (extrait)

De 1973 à 2013, l’anthropologue Polly W. Wiessner a étudié l’activité nocturne et diurne des Ju/’hoansi, bushmen du Kalahari (situé entre le Botswana et la Namibie). Ses conclusions ont été publiées en 2014 dans la revue PNAS(1) . Elle constate que la majorité des conversations le jour portent sur des questions économiques (disponibilité des ressources, stratégies de chasse et de cueillette, fabrication d’outils pour 31%), des plaintes et critiques, souvent relatives aux règles en cours (34%), des plaisanteries et des commérages (16%), et des considérations interethniques (6 %). Le jour, seuls 24% des conversations sont donc consacrés à raconter des histoires. En fin d’après-midi, les familles se rassemblent autour de leurs propres feux pour le repas du soir. Après le dîner et une fois l’obscurité tombée, les villageois se retrouvent autour d’un ou plusieurs grands feux pour parler, danser et jouer d’instruments de musique ; 81% du temps est alors consacré à la narration de contes à propos de personnes (connues ou distantes) ou évoquant le monde des esprits (danses/transes de guérison, de fermeture de failles sociales et de restauration de la cohésion spirituelle).
Selon Wiessner, la domestication du feu par les chasseurs-cueilleurs a permis l’allongement du temps de veille, la vie nocturne centrée sur la réunion autour du foyer favorisant les interactions sociales et l’émergence des cultures préhumaines. Lorsque la lumière du feu a prolongé la journée, elle a non seulement donné plus de temps, mais elle a aussi crée un temps et espace qualitativement différents, propices au déploiement de l’invisible entre les hommes.
(1) Embers of society : firelight talk among the Ju/’hoansi Bushmen, in Proceedings of the National Academy of Sciences of the USA, 2014
fire
From 1973 to 2013, anthropologist Polly W. Wiessner studied the nocturnal and diurnal activity of the Ju/’hoansi, Bushmen of the Kalahari (located between Botswana and Namibia). Its findings were published in 2014 in the PNAS(1) journal. She notes that the majority of daily conversations focus on economic issues (availability of resources, hunting and gathering strategies, tool making for 31%), complaints and criticism, often related to current rules (34%), jokes and gossip (16%), and inter-ethnic considerations (6%). During the day, only 24% of conversations are devoted to storytelling. In the late afternoon, families gather around their own fires for the evening meal. After dinner and after dark, villagers gather around one or more large fires to talk, dance and play musical instruments; 81% of the time is then devoted to telling stories about people (known or distant) or the spirit world (healing dances/transes, closing social gaps and restoring spiritual cohesion).
According to Wiessner, the domestication of fire by hunter-gatherers has allowed for longer waking hours, with nightlife focused on reuniting around the home promoting social interaction and the emergence of prehuman cultures. When firelight extended the day, it not only gave more time, but also created a qualitatively different time and space, conducive to the deployment of the invisible between men.
(1) Embers of society : firelight talk among the Ju/’hoansi Bushmen, in Proceedings of the National Academy of Sciences of the USA, 2014