En 2005, l’anthropolgue Philippe Descola publie « Par-delà nature et culture »(1), ouvrage de référence, dans lequel il entend dépasser le dualisme qui oppose nature et culture en montrant que la nature est elle-même une production sociale.

On place en un tout homogène dans ce mot « nature » l’ensemble de tous les êtres vivants (animaux et végétaux) qui ne sont pas des humains, êtres dont il est communément admis qu’ils sont faits d’une matière à peine pourvue d’intériorité.

La nature serait donc ce qui ne relève pas de la culture, ce qui ne relève pas des traits distinctifs de l’espèce humaine, des savoirs et des savoir-faire humains. 

Selon Descola, seules les sociétés occidentales ont récemment (à l’échelle de l’humanité) produit cette frontière entre soi et autrui, en introduisant l’idée de « nature » qui implicitement sous-tend une représentation du monde reposant sur la dichotomie entre nature et culture.

Pour suivre cette pensée à travers celle du philosophe contemporain Baptiste Morizot : « Le dehors de chaque terme d’un dualisme, ce n’est jamais son terme opposé, c’est le dehors du dualisme lui-même. Sortir du Civilisé, ce n’est pas se jeter dans le Sauvage, pas plus que sortir du Progrès implique de céder à l’Effondrement : c’est sortir de l’opposition entre les deux. Faire effraction du monde pensé comme leur règne binaire et sans partage. C’est entrer dans un monde qui n’est pas organisé, structuré, tout entier rendu intelligible, à partir de ces catégories. L’enjeu est de fulgurer comme une lame de sabre entre les deux blocs du dualisme, pour déboucher de l’autre côté du monde qu’ils prétendent enclore, et voir ce qu’il y a derrière. C’est un art de l’esquive, il faut voler comme un papillon pour éviter d’être capturé entre les deux monolithes jumeaux de la Nature et de la Culture.»(2)

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(1) Philippe Descola, « Par-delà nature et culture», éd. Gallimard, 2005

(2) Baptiste Morizot, « Manières d’être vivant », p.27, éd. Babel (Actes Sud), 2020

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cenotaph of culture,cenotaph de la nature

In 2005, anthropologist Philippe Descola published « Beyond Nature and Culture»(1), a landmark work in which he sets out to overcome the dualism that opposes nature and culture by showing that nature is itself a social production.

The word « nature » is used to describe all living beings (animals and plants) that are not human, and which it is generally accepted are made of matter that is scarcely endowed with interiority.

Nature, then, is that which does not belong to culture, that which does not belong to the distinctive traits of the human species, to human knowledge and know-how. 

According to Descola, only Western societies have recently (on a human scale) produced this boundary between self and other, by introducing the idea of "nature", which implicitly underpins a representation of the world based on the dichotomy between nature and culture.

To follow this thought through that of contemporary philosopher Baptiste Morizot: "The outside of each term of a dualism is never its opposite term, it is the outside of the dualism itself. To emerge from Civilization is not to throw oneself into Savagery, any more than to emerge from Progress implies giving in to Collapse: it is to emerge from the opposition between the two. It's about breaking out of the world seen as their binary, undivided reign. It means entering a world that is not organized, structured or entirely intelligible on the basis of these categories. The challenge is to dazzle like a saber blade between the two blocks of dualism, to emerge on the other side of the world they claim to enclose, and see what lies behind. It's an art of dodging; you have to fly like a butterfly to avoid being captured between the twin monoliths of Nature and Culture."(2)

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(1) Philippe Descola, « Par-delà nature et culture», éd. Gallimard, 2005

(2) Baptiste Morizot, « Manières d’être vivant », p.27, éd. Babel (Actes Sud), 2020